Aux portes de la Lorien...

Dans certain recoin de l'immense et enchanteresse forêt, la dame de Lorien partageait son règne avec le silence qui avait envahi ces lieux de paix il y a bien longtemps.
Ce second maître des lieux était si sévère, que l'on disait parfois que même les écureuils cherchant des fruits à la belle saison, prennaient garde à ne pas élever la voix lorsqu'ils passaient par là pour rejoindre le tronc creux où ils cachaient leur réserve, les fourmis elles même tâchaient de ne point trop secouer les feuilles sur lesquelles elles avançaient, avançant prudemment, de peur de faire tomber quelques gouttes de rosée dans une flaque de pluie nocturne.

Le dictateur muet jaloux de son pouvoir, n'admettait en sa cour qu'une seule exception : le vent.
Lui seul avait le droit de faire bruisser les feuilles : mais le vent en tous lieux a toujours tous les droits alors ça ne comptait pas.

Et pourtant...

Ce jour là, les choses étaient différentes car il y avait dans ce lieu reculé de la forêt de Galadriel, un hôte qui ne respectait aucun des bons usages du lieu...

Un voyageur fourbu accompagné d'un volatile nocturne avait posé son très modeste baluchon contre un tronc d'arbre avant de s'assoir lui même à l'ombre de sa ramure pour s'y rafraichir un peu.

Le hibou, car l'oiseau était un hibou, avait cessé de battre des ailes et s'était posé sur une jeune pousse, sans doute un fils de l'arbre. Il observait avec un air soupçonneux, son compagnon en train de feuilleter un vieux livre aux pages rongées par le temps et certainement autre chose...

Bien qu'il était détendu et que la boue des chemins avait quelque peu usé et crotté ses vêtements, le voyageur, un elfe, avait belle allure.
On voyait dans son baluchon de fine étoffe verte, dépasser le manche d'un petit arc de chasse qui semblait ne pas souvent servir.

Il portait un habit vert très simple sans aucun ornement et une petite dague pendait à son côté, glissée dans sa ceinture.
Mais surtout, il avait glissé entre ses cuisses un petit instrument de musique que l'on pourrait comparer à une petite viele.

L'elfe souriait, ce qu'il lisait dans le livre semblait lui plaire au plus plus au point.
Il tournait les pages avec le ménagement juste suffisant pour ne pas réduire l'ouvrage en poussière, mais pas assez pour ne pas faire de bruit en froissant les feuilles.
Il tappait aussi du pied sur le sol. Le "toc toc" du rythme résonnait dans cette forêt resté trop longtemps vierge du moindre bruit.
Mais pire que tout : il chantonnait, sifflotait même parfois attaquant sans le savoir et en toute innocence le pouvoir absolu de sa majesté silence.

Et pour le roi du lieu, toute résistance devint vite inutile : le peuple de la forêt voyant ce malautru, cet audacieux, ce fou briser par ses siffotements, ses pieds et les battements d'ailes intermitents de son compagnon emplumé, comprit qu'il était temps pour lui de briser son carcan.
Un souffle de liberté, qui n'était plus celui du vent, envahit la forêt : L'écureuil se mit à parler haut, allant même jusqu'à rire et en oublia même le chemin de sa réserve. Des fourmis trop pressées, grisées par la liberté se noyèrent dans les flaques. Les granbes révolutions connaissent souvent ces drames...

Le silence outré par le comportement de l'intru, s'alla cacher dans un cimetière pour ruminer son désaroi. Il se vengea sur les morts d'être ainsi dépossédé de sa seigneurie.

Alveranhel, car c'était bien lui, souriait en parcourant le vieil ouvrage. Il s'arrêta soudain de tourner les pages et s'exclama :

Alveranhel : "Ah oui ! Celle ci me semble très bien !"

Le hibou, parlant Raldur répondit aussitôt d'un air ronchon :

Râldur : "Aïe... Je m'attends à tout..."

Alveranhel : "Ecoute cela mon ami, je crois que ça n'est pas trop mal..."

Il s'éclaircit la voix et commença à chanter :

( Sur l’air de la chanson à boire de la taverne dans le premier film du SDA « comme j’aime entendre le son de la pluie… » et qui se termine par « c’est une bonne bière qui vous rentre dedans »)

Le roi, le roi a perdu un bras,
C’était celui qui tenait le sceptre
Et le voilà devenu le spectre
Dont même l’enfer ne veut pas

L’autre est venu avec des cimeterres
Il nous a apporté la guerre
Puis qu’a-t-il fait de notre terre ?
Il l’a transformé en cimetière

Refrain :

C’est lui, c’est lui, c’était le roi
Le plus grand des hommes autrefois
Mais qu’à-t-il donc mis à son doigt ?
Pour devenir roi des n’importe quoi

Alveranhel : "Alors qu'en dis tu ?"

Râldur fit la moue.

Râldur :" Mmm. Ca ne m'a pas l'air bien entrainant. L'air que tu y mets est par trop joyeux comparé à tes propos. En plus c'est en langue commune...
Enfin, j'attends la suite pour me prononcer plus avant..."

Alveranhel : "comme tu veux. écoute bien, je vais essayer de le prendre plus haut"

Le roi, le roi a perdu son âme
Il a échangé sa bonne lame
Pour le noir acier du pays des flammes
Echangeant destin contre drame

L’autre est venu avec des soldats
Il nous a apporté le froid
De l’acier qui ne brille pas
Semant l’hiver derrière ses pas

refrain

Râldur « Et bien c’est gai... Voilà vraiment le genre de poème qui cadre bien à la chaleur du lieu… Tu as vu comme tout est mort ici. Ne chante jamais cela devant des seigneurs elfes ou ils te chasseront pour jamais de leur cour.
Mais où as tu trouvé ce vieux manuscrit pour depréssif ?»

Alveranhel haussa les épaules

Alveranhel : « Tu n’es qu’un grincheux Raldur, les chansons du royaume d’Angmar ont été tressées avec l’âme meurtrie de ses habitants. Recueilles-en la tristesse, gouttes en la profondeur au lieu de geindre. Les chants des hommes mortels ne valent pas les chants elfiques mais ils compensent en émotion ce qu’ils n’ont en beauté. Ce manuscrit raconte de vieilles légendes humaines, toutes plus terribles les une que les autres.
Je ne peux passer mon immortalité à chanter la réunification des continent de Nostamar ou la gloire d'Imladris. il me faut aussi chanter les malheurs du monde et ceux des elfes et des hommes également... »

Râldur : "Certes. Mais peut être que j'en recueillerai mieux la tristesse et en goutterai plus la profondeur, si tu n’en ruinais pas l’émotion en la chantant sur l’air d’une chanson à boire Hobbit…"

Alveranhel : "Décidément tu ne facilites pas la tâche... Mais ce n'est pas fini écoute encore :"

Le roi le roi a perdu sa couronne
De par les attentions félonnes
Du seigneur au-delà du Rhovänion
Qui fit de lui son premier pion

L’autre est venu avec la puissance
Il nous a apporté ses danses
Dont la musique et la cadence
Nous a conduit à la potence

Raldur : "Et bien si tu ne veux pas écouter mes conseils, alors ne m'en demande point, ce sera plus simple."

Et Râldur entra dans une mine boudeuse, tandis qu'Alveranhel conti nua à chanter plus fort et plus haut encore.

[Voilà, viens qui veut Very Happy

]